Ô joie et inspiration, sensation de Liberté absolue et irremplaçable dans un lieux mythique, beau et calme et tellement solitaire, désert. Et ce son ! La douce sonorité des vaguelettes de l’eau affable contre les galets ronds, chauds et tendres sous le pied… L’echo tambourinant du plastique contre le plastique, les cris des gai-lurons en goguette en écran-total, les sifflets de sécurité joyeusement testés par les enfants invisibilisés sous des gilets de sauvetage, la musique insistante de Jul entre les bouteilles de coca rôtées par d’aimables pêcheurs-nature sur la grève…
Ô bonheur rabroué dans un site unique et sauvage découvert en début d’été. Seulement 1 500 000 visiteurs par an, dont 600 000 cette saison. Combien de camping-caristes en mission sauvage ? Combien de 4×4 trucks noirs à benne tellement énormes qu’on peut y dormir dedans (avec la télé) en mission survivaliste ? Combien d’aventurier du dimanche ? Beaucoup. Trop.
Mais la nuit tombée, pas un seul ne restera sur la berge dangeureusement sombre. Pas un seul n’osera dormir sous l’épaisse canopée de la ripisylve sauvage comme mon jardin. Nul n’osera se confronter au Noir de la Nuit, au Méchant Invisible et Sauvage qui rôde pas loin, prêt à boulotter quelques frêles guibolles au Monoï après l’apéro aux brebis d’en haut.
Dans la partie non goudronnée du parking payant de 9 à 18h et non limité à 2m (c’est dire combien il est sauvage), nous avons lu comme une sauvage invite: le bon vieux camion est vite posé entre un muret, un tremble et un chemin abandonné. Nous avons regardé avec l’espoir mesquin des désespérés les adeptes de la culture SSs (Sauvage-Sans-sable) se carapater les uns après les autres. Nous avons passé une belle nuit, entre orage salvateur et gnocchi à poêler Lustucru traditionnels, finalement seuls et passablement moqueurs.
Esseulés grâce aux grondements lointains qui jamais n’apportèrent l’orage, l’Arche naturelle de Pont d’Arc s’est finalement accoutumée à notre silencieuse présence et s’est offerte, vierge, à l’émerveillement inexpugnable de trois accros à la non-société.

Avec du sable limoneux entre les doigts de pieds et de la poussière sous la couette, nous avons rêvé de la poignée d’artistes néolithiques qui, après avoir courageusement traversé la rivière par l’e pont naturel’arc naturel, ont coloré et gravé de leurs phalanges les parois fraîches, humides et vierges de la grotte voisine, aujourd’hui pudiquement cachée de la bouillie culturelle injectée aux groupes de touristes qui préféreraient louer du plastique flottant et bruyant plutôt que de perdre son temps à faire la queue à la caisse de la boutique du musée local pour un bien maigre butin chinois.