jour 1 : mardi 7 octobre.

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Manosque. Devant la gare des trains. Je quitte la douceur de la voiture et la femme avec qui j’aime bien vivre pour me présenter devant la bus pour la petite capitale, Aix. Il fait frais et l’air sent l’amande. J’attends le bus 69. Mais c’est le 68 qui arrive.

Complet. Ou du moins presque: un chauffeur grand, maigre et marqué par une terrible balafre sur le visage nous apprend qu’il ne reste que 8 places. Les estomacs se sont noués dans un mouvement de panique collectif. Des gens se ruent vers les soutes pour jeter leurs valises en hurlant « je dois prendre le TGV (Bis) !! ». Les 20 clampins (don’t je suis), visage fermé et regard sombrant dans l’agressivité opaque, comptent les membres de la famille SNCF. Ils sont 7.

Le grand Balafré en costume de chauffeur, dans un élan de solidarité spontanée crie « Un autre car arrive, son étage est vide ». Entre soulagements, dénouages d’estomacs et incompréhension, le chaos s’étend. De toutes façons, c’était le 68, pas le 69. Le 69 arrive, pneus crissants. Soulagement effectif, rires et sourires entre inconnu·es. J’entre à mon tour dans l’énorme boîte de plastique et de métal rutilante. Paye. Monte les escaliers de l’impériale. On part. Dès les premiers tours de roues, un inconnu surgit d’on ne sais où et demande impatiemment de bien vouloir boucler sa ceinture et de poser les sacs au sol. Une fois disparu et les passagers ayant obtempéré à la directive passive-agressive, il crache dans le micro « Je vous rappelle que les ceintures doivent être bouclées et les sacs par terre… ossinon c’est la soute, oké ? ». J’ai imaginé les les oubliettes froides, humides et insalubres d’un vieux château. Bref. On arrive à Aix. Dorénavant, je m’attends à tout.

11h28

Non, ça va en fait. Calme et facile. Je crois que c’est surtout un truc de basalpin, cette incapacité à organiser un truc simple finalement.

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Passer les formalités est toujours autant formel. Ce qui avance dans ce monde, c’est qui se remarque, c’est la mutation tranquille vers le tout automate. C’est rapide et efficace, les personnes des générations précédentes sont perdues, celles de la suivante est dans son bain. Honnêtement, je suis entre les deux : dans mon bain; mais j’aimerais bien parler à quelqu’un qui me dise « oui, c’est par là, bon vent ». On perd un truc, et on en gagne un autre : une fluidité fluide qui fonctionne surtout quand il n’y a pas grand monde.

Et pour le reste, ben, c’est l’attente, longue, ennuyeuse. On essaie de s’occuper, en écrivant quelques lignes par exemple, en lisant quelques lignes, ou en écoutant de la musique. On essaie surtout de s’isoler quand on est seul. Les enfants deviennent fous, le tension monte, les annonces sont inaudibles (mais pourquoi continuent-iels à parler aussi fort et vite ?).

Le café est cher.

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Le voyage en avion, ça pourrait être plein de choses. Mais on occulte toujours que c’est surtout un moment d’ennui profond. On passe son temp à s’extraire d’une torpeur, pour s’engouffrer dans une autre. De salle d’attente en salle d’attente, de file en file, de couloirs en couloirs… on finit par entrer dans ce grand tube de métal et de plastique rutilant, bruyant et malodorant. Pour attendre encore. Chercher ses luntettes, vérifier son passeport, extraire son livre d’entre ses jambes, faire sa place, chauffer le siège, refroidir le siège, régler la ventilation…

Oh non : Pipi…

Réveiller les voisins, gêner 3 personnes, tituber l’air de rien, rester le plus longtemps possible debout, réveiller les voisins (mais enfin, comment il arrive à dormir autant ?), gêner les voisins, chauffer son siège, extraire son livre d’entre ses jambes. Tenter de regarder par le hublot, s’exctasier de voir le Mont Blanc, puis repartir en léthargie dans un siège définitivement trop chaud et trop petit.

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Jour 2. Mercredi.

La Tlantique

Chiara m’a prêté sa petite voiture rouge presque aussi vieille qu’elle. J’ai eu peur de la casser: j’ai roulé comme un pépé. Ce qui collait plutôt bien avec la ville encombrée, l’autoroute remplie de dangers bretons, les bruits de la boîte de vitesses et la migraine persistante. Cette dernière étant probablement liée à mon usage de l’écran au matin.

Curieusement, je ne retiens aucun noms de lieux, mis à part Nantes, St Nazaire, Guérande et Océan Atlantique. Imperméable à ces nouvelles informations et dans un état comateux, je fais un trajet bien trop long : je voulais aller au Nord, fouler la Bretagne, voir la mer et pas les usines. Mais à l’aveugle, c’est pas simple, et la première chose qui manque c’est la notion de distance. Eh oui: l’autoroute se transforme bien vite en un truc sans fin, une fuite en avant, un gouffre dont on ne peut sortir, dont on ne veut sortir jusqu’à atteindre le Nirvana. Le paysage est assez inexistant : c’est le lot de toutes les autoroutes.

Mais au bout, après les marais salants, il y a bien l’Océan. Engagé dans deux activités (en finir avec ce mal de tête et une grande introspection), j’ai laissé la place au Silence.

Nantes, 18h20

Le retour en traversant l’estuaire de la Loire au-dessus des chantiers navals est impressionnant, le paysage du sud Loire bocager. La route du retour étant plus petite, le milieu existe, y’a même des arbres et des vaches et des gens. Il est temps de retrouver ma fille.

Jour 3. Jeudi. Le Vélo.

Il faut être honnète : la première chose que mon cerveau a fait ce matin est de me rendre compte que demain, je devrais être à l’aéroport à 6h du matin. Pas cool. Pas content. Mais oublions ça pour l’instant et partons découvrir Nantes avec le vélo tout rose prêté pas Julien. J’en crève d’envie depuis hier.

Et j’ai pas été déçu !

Jour 4. Rentrer.

Rentrer chez soi, des fois, ça passe mal. Des fois, c’est pas mal. Là, je vous laisse deviner.